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Aug 16, 2023

Les bulldozers français commencent le bidonville

Koungou (France) (AFP) - La police et les bulldozers sont intervenus lundi pour nettoyer un bidonville sur l'île française de Mayotte, dans l'océan Indien, marquant le début d'une opération promise de longue date contre l'habitat indigne et l'immigration clandestine.

Émis le : 22/05/2023 - 18:54

Depuis avril, la France a déployé des centaines de policiers à Mayotte – la région la plus pauvre du pays – pour préparer une initiative de nettoyage des bidonvilles appelée Opération Wuambushu ("Take Back" dans la langue locale).

Après des semaines de retards judiciaires et de tensions diplomatiques avec les Comores voisines, des creuseurs ont commencé lundi vers 07H30 (04H30 GMT) à 7H30 (04H30 GMT) des baraques en tôle dans le bidonville de Talus 2, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Des policiers armés de pinces à mine sont entrés dans les maisons pour vérifier qu'il n'y avait personne à l'intérieur avant le début des destructions, tandis que l'électricité et l'eau ont été coupées.

Le haut responsable de l'État de Mayotte, Thierry Suquet, a déclaré sur place qu'il y avait "162 cabanes destinées à être démolies".

"Aujourd'hui, la moitié des familles qui vivaient dans ce quartier ont été relogées", a-t-il ajouté.

Cependant, beaucoup ont déclaré qu'ils s'étaient retrouvés sans abri.

"Je n'ai nulle part où vivre pour le moment", a déclaré Fatima Youssouf, l'une des personnes les plus âgées du bidonville à 55 ans.

Elle a ajouté qu'elle n'avait pas pu retirer certains de ses biens de la maison, où elle avait investi toutes ses économies.

Une autre habitante, Zenabou Souffou, a pleuré à la vue des engins de chantier, expliquant à l'AFP qu'elle vivait dans le quartier depuis 25 ans et y avait élevé sept enfants.

Son mari, un démolisseur, a dû être transporté à l'hôpital lorsqu'il s'est évanoui alors que les travaux atteignaient la porte de la maison de sa propre mère, a-t-elle ajouté.

Mayotte est composée de deux îles qui ont voté pour rester dans la France en 1973, tandis que les autres de l'archipel à majorité musulmane environnant ont demandé l'indépendance, devenant les îles Comores.

Des milliers de Comoriens fuyant la pauvreté et la corruption de leur patrie font chaque année le voyage jusqu'à Mayotte à la recherche d'un niveau de vie plus élevé.

Cet afflux a provoqué des tensions majeures, de nombreux habitants de Mayotte se plaignant de la criminalité et des contraintes que la croissance rapide de la population exerce sur les infrastructures étatiques surchargées.

Sur les quelque 350 000 habitants de Mayotte, la moitié n'a pas la nationalité française.

Les préparatifs de l'opération Wuambushu ont d'abord déclenché des affrontements entre les jeunes et les forces de sécurité, et provoqué une querelle diplomatique avec le gouvernement comorien, qui a refusé d'accepter ses ressortissants déportés.

Estimant qu'il ne ferait pas face à l'afflux de ses ressortissants, le gouvernement comorien a suspendu l'autorisation d'accostage pour les bateaux en provenance des îles françaises.

Après un tête-à-tête à Paris début mai entre le président Emmanuel Macron et son homologue comorien Azali Assoumani, le gouvernement comorien a depuis annoncé qu'il accueillerait ses ressortissants rentrant "volontairement".

Certaines associations ont dénoncé Wuambushu comme une mesure « brutale » violant les droits des migrants, mais les élus locaux et de nombreux insulaires la soutiennent.

Le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin a écrit sur Twitter que son "initiative politique porte ses fruits".

Suquet a également insisté sur le fait que les familles expulsées étaient prises en charge, affirmant que la politique "équilibrée" de l'Etat offrirait "un logement approprié" aux "citoyens français et étrangers régularisés vivant dans ces conditions".

Mayotte a un taux de chômage d'environ 30% et de loin le revenu annuel par habitant le plus bas du pays en France - environ 3 000 euros (3 240 dollars) contre une moyenne nationale de près de 22 000 euros.

© 2023 AFP

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